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# Mutualité Française Isère
Tutelle

Le Cercle des Personnes Protégées

Un temps d’échanges autour de la mise sous protection 

Jeudi 20 février dernier, Alpes Administration ASAT - 3A, le service mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la Mutualité Française Isère a organisé pour la seconde fois une matinée de rencontre réunissant des personnes bénéficiant d’une mesure de protection, leurs accompagnateurs et les professionnels de la structure. L’objectif, échanger librement et de manière informelle autour des mesures de protection (curatelle, tutelle), afin de mieux appréhender leurs mises en place et améliorer leur déroulement.



Une rencontre placée sous le signe de la convivialité

Autour de Martine VIAL-JAIME, présidente de la MFI et Nelly JOUFFROY, directrice du Service Mutualiste de Tutelle 3A, c’est pratiquement l’équipe au complet qui accueille les « invités » . Et le mot n’est pas choisi au hasard pour cette matinée. La rencontre se veut informelle et les bénéficiaires des mesures de protection sont bien les invités de cette matinée de partage. Invités à boire un café, un jus, invités à se raconter, échanger, se questionner sur le fonctionnement d’une curatelle en grignotant un croissant, oser les critiques du dispositif, en saluer les bienfaits, on est bien loin du climat parfois plombant des groupes de rencontres.

Plusieurs « anciens » ont participé à la mise en place de cette matinée, et tout commence autour du buffet, afin d’accueillir au mieux les nouveaux. Une quinzaine de personnes protégées, comme on les appelle, venues parfois avec leur accompagnateur sont accueillis par les membres de 3A. Certains se connaissent déjà. On prend des nouvelles, on raconte quelques anecdotes, on rigole, et dans le brouhaha de la petite salle feutrée, on se rapproche plus du café du commerce un jour de marché que de la réunion froide des « protégés anonymes ». Et c’est bien le sens de ce genre d’évènement, porté par un service de tutelles impliqué, proche des personnes suivies malgré des contacts limités, comme le confie Aurélie SILVESTRE, mandataire de 3A : « nous ne rencontrons les personnes que l’on suit que 2 à 4 fois dans l’année pour la plupart et cela reste compliqué de répondre à toutes leurs questions. Derrière le côté administratif et formel de nos métiers, il y a des vies, des parcours, et ces temps d’échanges sont important, autant pour eux que pour nous ».

Dédramatiser la mise sous protection

La mise sous tutelle ou curatelle, désirée ou non, peut être considérée comme une forme de sanction par certains et souffre d’un manque d’informations, pratiques et techniques. Cela se ressent dès le départ sur leur façon d’appréhender la mesure. Entre incompréhension et résignation, les personnes protégées peuvent se sentir dépossédées de leurs droits, de leurs capacités. Quel que soit le parcours, il règne un sentiment d’infériorité que ce genre de réunion efface au moins pour un temps. Alors très vite, deux cercles se forment autour des mandataires présents. Et les échanges se débrident encore. On se sent plus forts, plus respectés ensemble. Alors on demande, on questionne, on critique, on jure même parfois, certains pestent contre la banque référente de leurs  dossiers : « ils nous prennent pour des ****** ».
Léo, lui, affiche sa fragilité mentale sans détours. Il est venu accompagné de sa maman. C’est elle qui a demandé sa mise sous protection et qui parle du rôle des proches dans cette nouvelle manière de gérer ses biens. Les questions tournent beaucoup autour du quotidien, des factures, des courses, quand des gestes simples se transforment en parcours du combattant. « Si jamais il y a une fuite d’eau à notre domicile ? ....
.... Et est-ce qu’on peut partir en vacances ? »

Les questions peuvent parfois paraître naïves, mais pour un public autant stigmatisé et peu sûr de lui, les réponses des mandataires se doivent d’être rassurantes : « Vous avez le droit de vivre comme vous le désirez, vous êtes sous protection, pas en prison, dans certains cas nous devons donner notre accord, mais pour le reste, c’est votre vie ». Les points principalement mis en avant concernent la communication et l’information autour de la mise en place de la mesure de protection. Le rôle fondamental de 3A est de pouvoir dédramatiser une mesure souvent mal comprise, perçue comme trop complexe ou trop administrative. L'idée est de ne pas subir la mesure mais de se l’approprier, apprendre à vivre dans un cadre qui rassure ».


Des échanges bienveillants

Bien sûr, toutes les mesures de protections ne s’envisagent pas aussi bien, et il est évident que ces temps d’échanges ne réunissent que les exemples d’acceptation et de compréhension. Mais si les personnes présentes entendent l’intérêt évident d’une mise sous mesure (elles sont souvent à l’origine de la demande de protection), la réussite de ce genre de rencontres est frappante. Les explications sont claires, les mots simples, les équipes de la structure sont impliquées dans le bien-être des « protégés » sans pour autant être moralisateur. Et tout le monde semble s’y retrouver et se sentir écouté, soutenu. « Au moins, avec vous, on n’est pas traités d’adultes incapables comme ailleurs », lance Edith de toute sa gouaille singeant Arletty: 
 

« Incapables, incapables, est-ce qu'on a des gueules d'incapables ?  »



On plaisante de ces situations qui pourtant peuvent s’avérer blessantes. Et puis il y a les parcours, les histoires parfois lourdes de ceux qui ont, à un moment, eu besoin des mandataires délégués de 3A. Souvent des histoires de familles mal intentionnées, de séparations, de successions compliquées, d’endettements, d'addictions, de santé... tous les profils se racontent, sans jamais verser dans le misérabilisme. Le message se veut rassurant, sécurisant, tout en permettant de mettre en avant des problématiques à améliorer au sein de la structure. Plus de communication et d’explications au début de la mise sous protection et la possibilité de pouvoir échanger plus et plus souvent. 


Même s’il reste compliqué de mettre en place de telles rencontres (problèmes de locaux, de budget etc), le pôle tutelle met en avant l’importance de ce genre d’évènements et la nécessité de les reconduire plus régulièrement. Ce sont des temps d’échanges privilégiés qui apportent un message positif et à n’en pas douter bien plus qu’une entrevue derrière un bureau. C’est d'ailleurs plutôt derrière un buffet que la matinée se termine, en profitant tout de même de faire traîner des discussions débridées entre personnes protégées et certainement un peu plus… rassurées.