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Le jeûne, une nouvelle thérapie ?
Le jeûne correspond à l’arrêt total de l’alimentation, avec maintien ou non de la consommation d’eau (Larousse). C’est également une pratique religieuse consistant en une privation complète ou partielle de nourriture. Est-il bénéfique pour la santé et révolutionnaire contre les maladies, notamment contre le cancer ?
En 2011 ARTE sortait un documentaire intitulé : “Le jeûne, une nouvelle thérapie ?”. Valter Longo, gérontologue italo-américain, professeur de biologie spécialisé en biologie cellulaire et en génétique, connu pour ses travaux sur le jeûne thérapeutique, cherche à prouver que le jeûne serait bénéfique pour lutter contre le cancer. En effet, sa recherche effectuée sur des souris montre que celles qui jeûnent supporteraient mieux la chimiothérapie que celles qui mangent. De plus, se priver de nourriture reviendrait à ne pas nourrir le cancer de glucides, de protéines et de lipides et donc contribuerait à ralentir sa croissance. Ce reportage, qui montre cette véritable pépite, cache une autre réalité.
I- Une étude contestée
“Les travaux de Valter Di Longo ont bénéficié d’un engouement médiatique coupable” affirme Eric Fontaine, médecin nutritionniste au CHU de Grenoble, enseignant chercheur et Président du collectif de lutte contre la dénutrition à Grenoble. “Tous les travaux effectués par la suite sur des humains n’ont pas retrouvé ces résultats. Le réseau NACRe, qui est régulièrement sollicité pour donner un avis sur l'intérêt du jeûne ou des régimes restrictifs en prévention primaire ou au cours du traitement du cancer, a émis un rapport qui conclut très clairement qu’aucune preuve de ces effets existe chez l’homme et explique que le jeûne durant le cancer est quelque chose qu’il faudrait proscrire.”
D’après le rapport du réseau NACRe : “certaines études ont rapporté des effets délétères de ce type de régime chez les patients, comme une diminution de l’efficacité des traitements anticancéreux, ainsi qu’un risque d’aggravation de la dénutrition et de la sarcopénie (dès 50 ans, la masse et la force musculaires diminuent de manière significative. Au-delà d'un certain seuil, ce phénomène est appelé sarcopénie).
“De plus, ajoute Eric Fontaine, Valter Di Longo, qui fait partie d’une mouvance intellectuelle prônant le jeûne comme un bénéfice pour la santé, a fondé une start-up vendant des médicaments qui ont le même effet que le jeûne mais sans jeûner, ce qui relève d’un conflit d’intérêt majeur” analyse-t-il.
II- Jeûne et spiritualité
“Le problème du jeûne ne s’arrête pas à cela, c’est une véritable poupée russe” ajoute le professeur Fontaine. “ Il serait censé purifier le corps et l’esprit. On est dans la croyance, pour ne pas dire dans la religion, car dans toutes les religions il y a toujours une période de jeûne avec l’idée qu’on s'enlève un plaisir pour se faire pardonner. Deuxièmement, quand on se met à jeûner, on observe au bout d’un certain temps que les gens sont dans un état parallèle, proche de la transe. En fait, c’est parce que le corps se met à fabriquer des corps cétoniques qui vont nourrir le cerveau à la place du glucose. On est alors dans un état un peu différent avec une perception de la réalité qui l’est également. Les jeûnes sont faits par toutes les religions pour s’approcher du divin.” conclut-il.
III - Des preuves scientifiques
Pour le Docteur Bargin, Président de la Commission médicale de la Mutualité Française de l’Isère, “si depuis toutes ces années il avait dû y avoir des résultats révolutionnaires, cela se saurait”. Il considère que ce reportage est en apparence séduisant et donne envie d’y croire, mais en regardant de plus près les véritables preuves scientifiques sont absentes ; les résultats obtenus sur l’animal (souris) manquent de fiabilité et n’ont pas été reproduits chez l’homme.
Suite à ce reportage, une centaine d'études ont été menées, une vingtaine seulement sont interprétables et ont validé le fait qu’il n’y a aucun bénéfice du jeûne mais une forte perte musculaire et un aspect délétère pour les patients atteints de cancer. Il ne faut pas véhiculer l’idée que faire un jeûne durant un cancer va permettre de le ralentir, cela revient à considérer uniquement la maladie. Or, nous souhaitons que le patient soit en bonne santé et fort, malgré le cancer, et non pas affaibli par un jeûne qui est en réalité un régime.” indique-t-il.
Par ailleurs, “de nombreux patients, qui viennent en consultation, jeûnent malgré eux ; la perte d’appétit étant très fréquente dans cette maladie. Une proportion significative de leur masse musculaire a disparu. Suite à cela, en tant que médecin et diététicien nous devons les aider à couvrir leurs besoins énergétiques et pallier au syndrôme de renutrition (ensemble des manifestations clinico-biologiques qui surviennent lors de la renutrition du patient dénutri) lors de leur prise en charge.”
Pour le réseau NACRe, “au cours des traitements de cancers, la pratique du jeûne ou de régimes restrictifs présente un risque d’aggravation de la dénutrition et de perte musculaire.” Une nouvelle thérapie qui pose donc question.
I- Une étude contestée
“Les travaux de Valter Di Longo ont bénéficié d’un engouement médiatique coupable” affirme Eric Fontaine, médecin nutritionniste au CHU de Grenoble, enseignant chercheur et Président du collectif de lutte contre la dénutrition à Grenoble. “Tous les travaux effectués par la suite sur des humains n’ont pas retrouvé ces résultats. Le réseau NACRe, qui est régulièrement sollicité pour donner un avis sur l'intérêt du jeûne ou des régimes restrictifs en prévention primaire ou au cours du traitement du cancer, a émis un rapport qui conclut très clairement qu’aucune preuve de ces effets existe chez l’homme et explique que le jeûne durant le cancer est quelque chose qu’il faudrait proscrire.”
D’après le rapport du réseau NACRe : “certaines études ont rapporté des effets délétères de ce type de régime chez les patients, comme une diminution de l’efficacité des traitements anticancéreux, ainsi qu’un risque d’aggravation de la dénutrition et de la sarcopénie (dès 50 ans, la masse et la force musculaires diminuent de manière significative. Au-delà d'un certain seuil, ce phénomène est appelé sarcopénie).
“De plus, ajoute Eric Fontaine, Valter Di Longo, qui fait partie d’une mouvance intellectuelle prônant le jeûne comme un bénéfice pour la santé, a fondé une start-up vendant des médicaments qui ont le même effet que le jeûne mais sans jeûner, ce qui relève d’un conflit d’intérêt majeur” analyse-t-il.
II- Jeûne et spiritualité
“Le problème du jeûne ne s’arrête pas à cela, c’est une véritable poupée russe” ajoute le professeur Fontaine. “ Il serait censé purifier le corps et l’esprit. On est dans la croyance, pour ne pas dire dans la religion, car dans toutes les religions il y a toujours une période de jeûne avec l’idée qu’on s'enlève un plaisir pour se faire pardonner. Deuxièmement, quand on se met à jeûner, on observe au bout d’un certain temps que les gens sont dans un état parallèle, proche de la transe. En fait, c’est parce que le corps se met à fabriquer des corps cétoniques qui vont nourrir le cerveau à la place du glucose. On est alors dans un état un peu différent avec une perception de la réalité qui l’est également. Les jeûnes sont faits par toutes les religions pour s’approcher du divin.” conclut-il.
III - Des preuves scientifiques
Pour le Docteur Bargin, Président de la Commission médicale de la Mutualité Française de l’Isère, “si depuis toutes ces années il avait dû y avoir des résultats révolutionnaires, cela se saurait”. Il considère que ce reportage est en apparence séduisant et donne envie d’y croire, mais en regardant de plus près les véritables preuves scientifiques sont absentes ; les résultats obtenus sur l’animal (souris) manquent de fiabilité et n’ont pas été reproduits chez l’homme.
Suite à ce reportage, une centaine d'études ont été menées, une vingtaine seulement sont interprétables et ont validé le fait qu’il n’y a aucun bénéfice du jeûne mais une forte perte musculaire et un aspect délétère pour les patients atteints de cancer. Il ne faut pas véhiculer l’idée que faire un jeûne durant un cancer va permettre de le ralentir, cela revient à considérer uniquement la maladie. Or, nous souhaitons que le patient soit en bonne santé et fort, malgré le cancer, et non pas affaibli par un jeûne qui est en réalité un régime.” indique-t-il.
Par ailleurs, “de nombreux patients, qui viennent en consultation, jeûnent malgré eux ; la perte d’appétit étant très fréquente dans cette maladie. Une proportion significative de leur masse musculaire a disparu. Suite à cela, en tant que médecin et diététicien nous devons les aider à couvrir leurs besoins énergétiques et pallier au syndrôme de renutrition (ensemble des manifestations clinico-biologiques qui surviennent lors de la renutrition du patient dénutri) lors de leur prise en charge.”
Pour le réseau NACRe, “au cours des traitements de cancers, la pratique du jeûne ou de régimes restrictifs présente un risque d’aggravation de la dénutrition et de perte musculaire.” Une nouvelle thérapie qui pose donc question.